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Puis, tandis que les autres s’apprêtaient à partir, il s’assit sur le coin d’une table, étranger en apparence à tout ce qui se passait, n’osant relever la tête tant il craignait de trahir sa joie, tant il tremblait qu’on ne lût dans ses yeux ses projets et ses espérances.

Intérieurement, il était dévoré d’impatience. Si le meurtrier se prêtait de bonne grâce aux précautions à prendre pour qu’il ne pût s’évader, il avait fallu se mettre à quatre pour lier les poignets de la veuve Chupin, qui se débattait en hurlant comme si on l’eût brûlée vive.

— Ils n’en termineront pas ! se disait Lecoq.

Ils finirent cependant. Gévrol donna l’ordre du départ, et sortit le dernier après avoir adressé à son subordonné un adieu railleur.

Lui ne répondit pas. Il s’avança jusque sur le seuil de la porte pour s’assurer que la ronde s’éloignait réellement.

Il frissonnait à cette idée que Gévrol pouvait réfléchir, se raviser et revenir prendre l’affaire, comme c’était son droit.

Ses anxiétés étaient vaines. Peu à peu le pas des hommes s’éteignit, les cris de la veuve Chupin se perdirent dans la nuit. On n’entendit plus rien.

Alors Lecoq rentra. Il n’avait plus à cacher sa joie, son œil étincelait. Comme un conquérant qui prend possession d’un empire, il frappa du pied le sol en s’écriant :

— Maintenant, à nous deux !…