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Il savait que le temps est une obscurité de plus, et que la recherche d’un crime devient plus difficile à mesure qu’on s’éloigne de l’instant où il a été commis.

Que de choses à faire encore cependant.

Ne devait-il pas confronter avec les cadavres des victimes le meurtrier, la veuve Chupin et Polyte ?

Ces tristes confrontations sont fécondes en résultats inespérés.

Leverd, l’assassin, allait être relâché faute de preuves, quand mis brusquement en présence de sa victime, il changea de visage et perdit son assurance. Une question à brûle-pourpoint lui arracha alors un aveu.

M. Segmuller avait aussi les témoins à interroger : Papillon le cocher, la concierge de la maison de la rue de Bourgogne, où les deux femmes s’étaient un instant réfugiées, enfin Mme  Milner, la maîtresse de l’hôtel de Mariembourg.

N’était-il pas de même indispensable d’entendre dans le plus bref délai un certain nombre de gens du quartier de la Poivrière, quelques camarades de Polyte et les propriétaires du bal de l’Arc-en-Ciel où les victimes et le meurtrier avaient passé une partie de la soirée ?

Certes, on ne pouvait pas espérer de grands éclaircissements de chacun de ces témoins en particulier. Les uns ignoraient les faits, les autres avaient à les dénaturer un intérêt qui demeurait un problème.

Mais chacun d’eux devait apporter sa part de conjectures, dire quelque chose, émettre une opinion, proposer une fable.

Et là éclate le génie du juge d’instruction, habitué à éprouver les unes par les autres les réponses les plus