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choc. Il parut confondu, et baissa la tête en balbutiant une réponse inintelligible.

Cependant il s’obstina à garder le silence, et le juge, qui venait d’employer inutilement son arme la plus forte, désespéra. Il sonna et donna l’ordre de reconduire le témoin en prison, après avoir pris des précautions, toutefois, pour qu’il ne pût revoir sa femme.

Polyte sorti, Lecoq parut. Il était désespéré, il s’arrachait les cheveux.

— Et dire, répétait-il, que je n’ai pas tiré de cette femme tout ce qu’elle savait, quand c’était si facile ! Mais je savais que vous m’attendiez, monsieur, je me dépêchais, j’ai cru bien faire…

— Rassurez-vous, ce malheur peut se réparer.

— Non, monsieur, non, nous ne saurons plus rien de cette malheureuse. Impossible de lui arracher un mot depuis qu’elle a vu son mari. Elle l’aime de la passion la plus folle, il a sur elle une influence toute-puissante. Il lui a commandé de se taire, elle se taira.

Le jeune policier n’avait que trop raison. M. Segmuller dut se l’avouer dès les premiers pas que Toinon-la-Vertu fit dans son cabinet.

La pauvre créature était écrasée de douleur. Il était aisé de reconnaître qu’elle eût donné sa vie pour reprendre les paroles qui lui étaient échappées dans sa mansarde. Le regard de Polyte l’avait glacée et remuait en son cœur les plus sinistres appréhensions. Ne concevant rien dont il ne pût être coupable, elle se demandait si son témoignage ne serait pas un arrêt de mort.

Aussi refusa-t-elle de répondre autre chose que : « Non ! » ou : « Je ne sais pas ! » à toutes les questions,