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semble cependant me rappeler que je m’étais endormi dans le café, et que le garçon est venu me réveiller et me prier de me retirer… Alors, j’ai dû vaguer sur les quais, jusqu’au moment où, les idées m’étant revenues, je me suis décidé à venir vous attendre dans votre escalier.

À la grande surprise du père Absinthe, Lecoq semblait encore plus préoccupé que mécontent.

— Que pensez-vous de ce bourgeois, papa ? interrogea-t-il.

— Je pense qu’il me suivait, pendant que je filais les autres ; et qu’il n’est entré au café que pour me griser.

— Donnez-moi son signalement ?

— C’est un grand bonhomme assez gros, avec une large figure rouge et un nez très-camard, l’air bonasse….

— C’est lui !… s’écria Lecoq.

— Lui !… Qui ?

— Le complice, l’homme dont nous avons relevé les empreintes, le faux ivrogne, un diable incarné qui nous mettra tous dedans, si nous n’ouvrons pas l’œil… Ne l’oubliez pas, papa, et si jamais vous le rencontrez !…

Mais la confession du père Absinthe n’était pas finie, et comme les dévotes il avait gardé le plus gros péché pour la fin.

— C’est que ce n’est pas tout, reprit-il, et je veux ne vous rien cacher. Il me semble bien que ce traître m’a parlé du meurtre de la Poivrière, et que je lui ai raconté tout ce que nous avons découvert et tout ce que vous comptez faire…