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Le vieux eut un mouvement de tête affirmatif de haut en bas.

— C’est un malheur, prononça le jeune policier, flairant quelque mésaventure, c’est un très-grand malheur ! Cependant, il ne faut pas vous désoler outre mesure. Voyons, papa, relevez la tête, morbleu ! À nous deux, demain, nous réparerons cela.

Cet amical encouragement redoubla le très-visible embarras du bonhomme. Il rougit, ce vieil homme de la police, comme une pensionnaire, et montrant le poing au plafond, il s’écria :

— Ah !… gredin, je te l’avais bien dit !

— Hein !… fit Lecoq, à qui en avez-vous ?

Le père Absinthe ne répondit pas, il se plaça bien en face de la glace et se mit à accabler son reflet des plus cruelles injures.

— Vieux propre à rien !… disait-il, vilain soldat ! n’as-tu pas honte ! Tu avais une consigne, n’est-ce pas ? Qu’en as-tu fait ? Tu l’as bue, malpropre, comme un vieil ivrogne que tu es. Va, cela ne se passera pas ainsi, et quand même M. Lecoq te pardonnerait, tu seras privé de goutte huit jours. Tu bisqueras, ce sera bien fait.

Voilà, justement, ce qu’avait pressenti le jeune policier.

— Allons, dit-il au bonhomme, vous vous sermonnerez plus tard. Contez-moi vite votre histoire.

— Ah !… je n’en suis pas fier, je vous prie de le croire, mais n’importe. Donc on vous a sans doute remis une lettre où je vous disais que j’allais filer les jeunes gens qui avaient reconnu Gustave ?…

— Oui, oui, passez !