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m’apprendre le sens d’une phrase prononcée par vous, quand l’agent que voici vous a renversé.

— Une phrase ?…

— Oui !… vous avez dit : « C’est les Prussiens qui arrivent, je suis perdu ! » Qu’est-ce que cela signifiait ?

Une fugitive rougeur colora les pommettes du meurtrier. Il devint clair qu’il avait prévu toutes les autres questions et que celle-ci le prenait au dépourvu.

— C’est bien étonnant, fit-il avec un embarras mal déguisé, que j’aie dit cela !…

Évidemment il gagnait du temps, il cherchait une explication.

— Cinq personnes vous ont entendu, insista le juge.

— Après tout, reprit l’homme, la chose est possible. C’est une phrase qu’avait coutume de répéter un vieux de la garde de Napoléon, qui, après la bataille de Waterloo, était entré au service de M. Simpson…

L’explication, pour être tardive, n’en était pas moins ingénieuse. Aussi M. Segmuller parut-il s’en contenter.

— Cela peut être, dit-il ; mais il est une circonstance qui passe ma compréhension. Étiez-vous débarrassé de vos adversaires avant l’entrée de la ronde de police ?… Répondez oui ou non.

— Oui.

— Alors, comment, au lieu de vous échapper par l’issue dont vous deviniez l’existence, êtes-vous resté debout sur le seuil de la porte de communication, avec une table devant vous en guise de barricade, votre arme dirigée vers les agents, pour les tenir en échec ?

L’homme baissa la tête, et sa réponse se fit attendre.