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— Hélas !… fit l’homme d’un ton ému, à quoi bon !… Deux de mes ennemis renversés, la partie devenait égale. J’ai donc saisi le dernier, le soldat, à bras le corps, et je l’ai poussé… Il est tombé sur le coin d’une table et ne s’est plus relevé.

M. Segmuller avait déplié sur son bureau le plan du cabaret dessiné par Lecoq.

— Approchez, dit-il au prévenu, et précisez sur ce papier votre position et celle de vos adversaires.

L’homme obéit, et avec une sûreté un peu bien surprenante chez un homme de sa condition apparente, il expliqua le drame.

— Je suis entré, disait-il, par cette porte marquée C, je me suis assis à la table H, qui est à gauche en entrant ; les autres occupaient cette table qui est entre la cheminée F et la fenêtre B.

Lorsqu’il eut achevé :

— Je dois, dit le juge, rendre à la vérité cet hommage que vos déclarations s’accordent parfaitement avec les constatations des médecins, lesquels ont reconnu qu’un des coups avait été tiré à bout portant et l’autre de la distance de deux mètres environ.

Un prévenu vulgaire eût triomphé. L’homme, au contraire, eut un imperceptible haussement d’épaules.

— Cela prouve, murmura-t-il, que ces médecins savent leur métier.

Lecoq était content.

Juge, il n’eût pas mené autrement l’interrogatoire.

Il bénissait le ciel, qui lui avait donné M. Segmuller au lieu et place de M. d’Escorval.

— Ceci réglé, reprit le juge, il vous reste, prévenu, à