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— Ainsi, reprit M. Segmuller, vous n’avez à offrir à la justice que votre seule affirmation ?

— Attendez donc, dit le prévenu en étendant les bras en avant comme s’il eût pu saisir entre ses mains une inspiration encore vague, attendez donc… Lorsque je suis arrivé à Paris, j’avais une malle.

— Ensuite ?…

— Elle est toute remplie de linge marqué de la première lettre de mon nom. J’ai dedans des paletots, des pantalons, deux costumes pour mon état…

— Passez.

— Alors donc, en descendant du chemin de fer, j’ai porté cette malle dans un hôtel tout près de la gare…

Il s’arrêta court, visiblement décontenancé.

— Le nom de cet hôtel ? demanda le juge.

— Hélas !… monsieur, c’est précisément ce que je cherche, je l’ai oublié. Mais je n’ai pas oublié la maison, il me semble la voir encore, et si on me conduisait aux environs, je la reconnaîtrais certainement. Les gens de l’hôtel me remettraient, et d’ailleurs ma malle serait là pour faire preuve.

À part soi, Lecoq se promettait une petite enquête préparatoire dans les hôtels qui entourent la gare du Nord.

— Soit, prononça le juge, on fera peut-être ce que vous demandez. Maintenant deux questions : Comment, arrivé à Paris à quatre heures, vous trouviez-vous à minuit à la Poivrière, un repaire de malfaiteurs, situé au milieu des terrains vagues, impossible à trouver la nuit quand on ne le connaît pas ?… En second lieu, comment, possédant tous les effets que vous dites, étiez-vous si misérablement vêtu ?…