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Le meurtrier branla tristement la tête.

— Je serai donc sage, dit-il, quoique ce soit terriblement dur d’être en prison quand on n’a rien fait de mal. Si encore j’étais avec des camarades, on causerait, et le temps passerait… Mais rester seul, tout seul, dans ce trou froid, où on n’entend rien… c’est épouvantable. C’est si humide que l’eau coule le long du mur, et on jurerait que c’est des vraies larmes, des larmes d’homme qui sortent de la pierre…

Le juge d’instruction s’était penché sur son bureau pour prendre une note. Ce mot : « des camarades », l’avait frappé, et il se proposait de le faire expliquer plus tard.

— Si vous êtes innocent, continua-t-il, vous serez bientôt relâché, mais il faut établir votre innocence.

— Que dois-je faire pour cela ?

— Dire la vérité, toute la vérité, répondre en toute sincérité, sans restrictions, sans arrière-pensée aux questions que je vous poserai.

— Pour ça, on peut compter sur moi.

Il levait déjà la main comme pour prendre Dieu et les hommes à témoin de sa bonne foi, M. Segmuller lui ordonna de l’abaisser, en ajoutant :

— Les prévenus ne prêtent pas serment.

— Tiens !… fit l’homme d’un air étonné, c’est drôle !

Tout en semblant laisser s’égarer le prévenu, le juge ne le perdait pas de vue. Il avait surtout voulu, par ces préliminaires, le rassurer, le mettre à l’aise, écarter autant que possible ses défiances, et il estimait le but qu’il se proposait atteint.

— Encore une fois, reprit-il, prêtez-moi toute votre