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ce cercueil de pierre que vous appelez « le secret, » j’ai eu peur, j’ai perdu la tête. Je me suis dit : « Mais, mon garçon, on t’a enterré vivant, il s’agit de mourir, et vite, si tu ne veux pas souffrir. » Là-dessus, j’ai cherché à m’étrangler. Ma mort ne faisait de tort à personne, je n’ai ni femme ni petits qui comptent sur le travail de mes bras, je m’appartiens. Ce qui n’empêche qu’après la saignée, on m’a lié dans un sac de toile, comme un fou… Fou ! j’ai cru que je le deviendrais. Toute la nuit les geôliers ont été après moi, comme des enfants qui tourmentent une bête enchaînée. Ils me tâtaient, ils me regardaient, ils passaient la chandelle devant mes yeux…

Tout cela était débité avec un sentiment d’amertume profonde, mais sans colère, violemment, mais sans déclamation, comme toutes les choses que l’on sent très-vivement.

Et la même réflexion venait en même temps au juge et au jeune policier.

— Celui-là, pensaient-ils, est très-fort, on n’en aura pas raison aisément.

Après une minute de méditation, M. Segmuller reprit :

— On s’explique, jusqu’à un certain point, un premier mouvement de désespoir dans la prison. Mais plus tard, ce matin même, vous avez refusé la nourriture qu’on vous offrait…

La sombre figure de l’homme s’éclaira soudain à cette question, ses yeux eurent un clignotement comique, et enfin il éclata de rire, d’un bon rire bien gai, bien franc, bien sonore.