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un mois de prison une première fois, et à trois mois ensuite.

— J’avais des ennemis qui m’en voulaient, des voisins qui ont fait des cancans…

— En dernier lieu, vous avez été condamnée pour avoir entraîné au désordre des jeunes filles mineures…

— Des coquines, mon bon cher monsieur, des petites sans cœur… Je leur avais rendu service, et après elles sont allées conter des menteries pour me faire du tort… j’ai toujours été trop bonne.

La liste des malheurs de l’honnête veuve n’était pas épuisée, mais M. Segmuller crut inutile de poursuivre.

— Voilà le passé, reprit-il. Pour le présent, votre cabaret est un repaire de malfaiteurs. Votre fils en est à sa quatrième condamnation, et il est prouvé que vous avez encouragé et favorisé ses détestables penchants. Votre belle-fille, par miracle, est restée honnête et laborieuse, aussi l’avez-vous accablée de tant de mauvais traitements que le commissaire du quartier a dû intervenir. Quand elle a quitté votre maison, vous vouliez garder son enfant… pour l’élever comme son père, sans doute.

C’était, pensa la vieille, le moment de s’attendrir. Elle sortit de sa poche son mouchoir neuf, roide encore de l’apprêt, et essaya en se frottant énergiquement les yeux de s’arracher une larme… On en eût aussi aisément tiré d’un morceau de parchemin.

— Misère !… gémissait-elle, me soupçonner, moi, de songer à conduire à mal mon petit-fils, mon pauvre petit Toto !… Je serais donc pire que les bêtes sauva-