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Le front du jeune policier se plissa. Il cherchait à se rappeler celui des juges qui portait ce nom, et s’il ne s’était pas déjà trouvé en rapport avec lui.

— Oui, reprit l’huissier, qui était d’humeur causeuse, M. Segmuller… Ne le connaissez-vous donc pas ?… Voilà un brave homme, et qui n’a pas la mine toujours renfrognée comme presque tous nos messieurs. C’est de lui qu’un prévenu disait en sortant d’être interrogé : « Ce diable-là m’a si bien tiré les vers du nez que j’aurai certainement le cou coupé ; mais c’est égal, c’est un bon enfant ! »

C’est le cœur ragaillardi par ces détails de bon augure, que le jeune policier alla frapper à la porte qui lui avait été indiquée, et qui portait le no 22.

— Ouvrez !… cria une voix bien timbrée.

Il entra, et se trouva en face d’un homme d’une quarantaine d’années, assez grand, un peu replet, et qui lui dit tout d’abord :

— Vous êtes l’agent Lecoq ?… Parfait !… Asseyez-vous, je m’occupe de l’affaire, je serai à vous dans cinq minutes.

Lecoq obéit, et sournoisement, avec la perspicacité de l’intérêt en éveil, il se mit à étudier le juge dont il allait devenir le collaborateur… à peu près comme le limier est le collaborateur du chasseur.

Son extérieur s’accordait parfaitement avec les dires de l’huissier. La franchise et la bienveillance éclataient sur sa large face, bien éclairée par des yeux bleus très-doux.

Cependant le jeune policier s’imagina qu’il serait imprudent de se fier absolument à ces apparences bénignes.