Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ajoute : « Et dix francs pour la course ! » Du coup, j’arrête net.

Lecoq bouillait d’impatience ; mais il sentait que des questions directes et rapides ne le mèneraient à rien. Le plus sage était de tout entendre.

— Vous comprenez, poursuivit le cocher, qu’on ne se fie pas à deux gaillardes pareilles, à cette heure, dans le quartier là-bas. Donc, quand elles s’approchent pour monter, je dis : « Halte-là !… les petites mères, on a promis des sous à papa ; où sont-ils ? » Aussitôt il y en a une qui m’allonge recta 30 francs, en disant : « Surtout, bon train ! »

— Impossible d’être plus précis, approuva le jeune policier. À présent, comme étaient ces deux femmes ?

— Vous dites ?

— Je vous demande de qui elles avaient l’air, pour qui vous les avez prises ?…

Un large rire épanouit la bonne face rouge du cocher.

— Dame !… répondit-il, elles m’ont fait l’effet de deux… de deux pas grand’chose de bon.

— Ah !… Et comment étaient-elles habillées ?

— Comme les demoiselles qui vont danser à l’Arc-en-Ciel, vous m’entendez. Seulement, l’une avait l’air cossue, tandis que l’autre… Oh ! là là !… quel déchet !

— Laquelle a couru après vous ?

— Celle qui avait l’air minable, celle qui…

Il s’interrompit : si vif était le souvenir qui traversait son esprit, qu’il tira sur les rênes à faire cabrer son cheval.

— Tonnerre !… s’écria-t-il, attendez, j’ai fait une re-