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Mais l’inspecteur de la sûreté, inaccessible à la crainte, repoussa son surbordonné et s’avança de nouveau, en poursuivant du ton le plus calme :

— Pas de bêtises, mon gars, crois-moi ; si ton affaire est bonne, ce qui est possible, après tout, ne la gâte pas.

Une effrayante indécision se lut sur les traits de l’homme. Il tenait au bout du doigt la vie de Gévrol ; allait-il presser la détente ?

Non. Il lança violemment son arme à terre, en disant :

— Venez donc me prendre !

Et se retournant, il se ramassa sur lui-même, pour s’élancer dans la pièce voisine, pour fuir par quelque issue connue de lui.

Gévrol avait deviné ce mouvement. Il bondit en avant, lui aussi, les bras étendus, mais la table l’arrêta.

— Ah !… cria-t-il, le misérable nous échappe.

Déjà le sort du misérable était fixé.

Tandis que Gévrol parlementait, un des agents, — celui de la fenêtre, — avait tourné la maison et y avait pénétré par la porte de derrière.

Quand le meurtrier prit son élan, il se précipita sur lui, l’empoigna à la ceinture, et avec une vigueur et une adresse surprenantes, le repoussa.

L’homme voulut se débattre, résister ; en vain. Il avait perdu l’équilibre, il chancela et bascula par-dessus la table qui l’avait protégé, en murmurant assez haut pour que tout le monde pût l’entendre :

— Perdu !… C’est les Prussiens qui arrivent.

Cette simple et décisive manœuvre, qui assurait la victoire, devait enchanter l’inspecteur de la sûreté.