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Il était assis en face du judas, sur un banc grossier, les coudes sur les genoux, le menton dans la main, l’œil fixe, la lèvre pendante…

— Non, murmura Lecoq, non cet homme n’est pas ce qu’il paraît être.

Il l’avait examiné, il voulut lui parler. Il entra, l’homme leva la tête, arrêta sur lui un regard sans expression, mais ne dit mot.

— Eh bien !… demanda le jeune policier, comment cela va-t-il ?

— Je suis innocent ! répondit l’homme d’une voix rauque.

— Je l’espère bien… mais c’est l’affaire du juge. Moi je viens savoir si vous n’auriez pas besoin de prendre quelque chose…

— Non !

Sur la seconde même, le meurtrier se ravisa.

— Tout de même, ajouta-t-il, je casserais bien une croûte, histoire de boire un verre de vin.

— On vous sert, répondit Lecoq.

Il sortit aussitôt, et tout en courant dans le voisinage pour acheter quelques comestibles, il se pénétrait de cette idée, qu’en demandant à boire après un refus, l’homme n’avait songé qu’à la vraisemblance du personnage qu’il prétendait jouer…

Quoi qu’il en fût, le meurtrier mangea du meilleur appétit. Il se versa ensuite un grand verre de vin, le vida lentement et dit :

— C’est bon !… Ça fait du bien où ça passe.

Cette satisfaction désappointa fort le jeune policier. Il avait choisi, en manière d’épreuve, un de ces horribles