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— Horrible !… fit l’agent cramponné au volet, c’est horrible !

Cette exclamation décida Gévrol.

— Au nom de la loi !… cria-t-il une troisième fois.

Et personne ne répondant, il recula, prit du champ, et d’un coup d’épaule qui avait la violence d’un coup de bélier, il jeta bas la porte.

Alors fut expliqué l’accent d’épouvante de l’agent qui avait collé son œil aux découpures des volets.

La salle basse de la Poivrière présentait un tel spectacle, que tous les employés de la sûreté et Gévrol lui-même demeurèrent un moment cloués sur place, glacés d’une indicible horreur.

Tout, dans le cabaret, trahissait une lutte acharnée, une de ces sauvages « batteries » qui trop souvent ensanglantent les bouges des barrières.

Les chandelles avaient dû être éteintes dès le commencement de la bagarre, mais un grand feu clair de planches de sapin illuminait jusqu’aux moindres recoins.

Tables, verres, bouteilles, ustensiles de ménage, tabourets dépaillés, tout était renversé, jeté pêle-mêle, brisé, piétiné, haché menu.

Près de la cheminée, en travers, deux hommes étaient étendus à terre, sur le dos, les bras en croix, immobiles. Un troisième gisait au milieu de la pièce.

À droite, dans le fond, sur les premières marches d’un escalier conduisant à l’étage supérieur, une femme était accroupie. Elle avait relevé son tablier sur sa tête, et poussait des gémissements inarticulés.

En face, dans le cadre d’une porte de communication grande ouverte, un homme se tenait debout, roide et