Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Monsieur le procureur impérial n’a pu m’accompagner, reprit M. d’Escorval, il n’a pas le don d’ubiquité, et je doute qu’il lui soit possible de venir me rejoindre. Commençons donc nos opérations…

Jusqu’ici la curiosité des assistants était déçue, aussi le commissaire fut-il l’interprète du sentiment général, lorsqu’il dit :

— Monsieur le juge d’instruction a sans doute interrogé le coupable, et il doit savoir…

— Je ne sais rien, interrompit M. d’Escorval, qui parut fort surpris de l’interpellation.

Il s’assit sur cette réponse, et pendant que son greffier rédigeait les préliminaires de tout procès-verbal de constat, il se mit, lui, à lire le rapport écrit par Lecoq.

Blotti dans l’ombre, pâle, ému, fiévreux, le jeune policier s’efforçait de surprendre sur l’impassible visage du magistrat un indice de ses impressions.

C’était son avenir qui se décidait, qui allait dépendre d’un oui ou d’un non.

Et ce n’était plus à une intelligence obtuse comme celle du père Absinthe qu’il s’adressait, mais à une perspicacité supérieure.

— Si encore, pensait-il, je pouvais plaider ma cause !… Mais qu’est la phrase écrite, comparée à la phrase parlée, mimée, vivante, palpitante de l’émotion et des convictions de qui la prononce….

Bientôt il se sentit rassuré.

La figure du juge d’instruction gardait son immobilité, mais il hochait la tête, en signe d’approbation, et même, par instants, un détail plus ingénieux que les autres