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formule chez M. Ganivet. Très-orgueilleux au fond et très-fier de sa position, s’il condescend à tant d’amabilité pour les inférieurs, c’est qu’il a fait son profit du mot de Gavarni : « Les petits mordent. »

C’est le credo de sa politique. Cet ambitieux de bureau cherche son levier dans la popularité. Si le ministre était nommé au suffrage universel des employés, il aurait le portefeuille.

Cet homme déconcerta Caldas par ses prévenances. Il lui roula un fauteuil près de la cheminée et le pria de se chauffer les pieds sans façon. Ensuite il lui tint un petit discours qui peut se résumer ainsi : « Je vous connais, monsieur, je sais que les modestes fonctions qui vous sont assignées ici sont bien au-dessous de vous ; je rougis presque d’avoir à vous tracer une besogne si mesquine. Des employés comme vous, monsieur, rendent bien difficile la position d’un chef ; c’est vous qui devriez être à ma place. »

— Oh ! oh ! se dit Caldas, tu me fais poser, mon bonhomme.

M. Ganivet ne faisait pas poser Caldas ; il lui récitait son petit programme, voilà tout.

Le reste de l’entretien fut digne du commencement. Le chef de bureau, du ton de l’intérêt le plus profond, s’informa de tout ce qui touchait Romain, de son passé,