Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeunes gens qui ont à cœur de ne point faire mentir la tradition.

Ce bureau est le salon de conversation du ministère. C’est le rendez-vous des oisifs ; on y cause, on y joue au bouchon, on y fait la partie de piquet, on y boit de la bière toute la journée. Là s’organisent les pique-niques, se machinent les mauvaises plaisanteries, s’élaborent les charges. On y blague l’Administration à outrance ; on y parle politique avec de grands éclats de voix, et souvent on s’y prend aux cheveux.

En dépit du tapage, des conversations à douze, des visites continuelles, des chansons en chœur, des batailles, la besogne marche fort bien dans ce bureau, le plus chargé de tout le ministère et le seul qui ait à traiter des affaires sérieuses et délicates.

Le chef de ce bureau est le plus formaliste des hommes. Les honneurs administratifs lui ont monté au cerveau, et il porte la tête comme un Saint-Sacrement. C’est lui qui fait toujours faire antichambre un quart d’heure à tous ses subordonnés, surtout à son sous-chef, afin de bien établir la ligne de démarcation.

Il est au plus mal avec ses employés, dont il a vainement essayé de réformer la tenue. Il évite d’entrer dans leur pièce ; il est vrai que s’il y pénètre quelquefois, la présence de cet homme digne n’arrête ni les