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En dépit de la routine, tous les chefs en agissent ainsi, à l’Équilibre, afin d’imprimer au travail qu’ils dirigent un caractère de personnalité.

M. Castelouze, l’homme aux chiffres à gauche, n’est pas le premier venu. Il a su se créer dans l’Administration la renommée d’un spécialiste. C’est l’homme des affaires litigieuses, des créances douteuses, des négociations délicates.

C’est au bureau qu’il vient de quitter (le service des Recouvrements) qu’il a pris l’habitude de considérer le public comme un gibier. Il chasse, pour le compte de l’Administration, avec le désintéressement du chien bien dressé qui rapporte la perdrix dont il n’aura même pas les os.

Il n’est pas de Normand madré, d’avoué retors qu’il ne puisse rouler sur son terrain, et il ne s’en fait pas faute. Autrefois, aux débuts de sa carrière, le zèle de Castelouze était tout politique. Quand il avait fait rentrer dans la caisse de l’Administration un franc dix centimes sur lesquels elle ne comptait pas, quand il avait découvert la fraude d’un administré, il s’en réjouissait comme de titres à l’avancement. Avec le temps, il s’est passionné, et ce qu’il en fait maintenant n’est plus du tout dans l’intérêt de son ambition ou dans celui de l’État, il agit pour son plaisir personnel ; il fait de l’art pour l’art. Mais quel flair ! quelle subtilité ! quelle ardeur ! Un