Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment d’humeur, a passé sa colère sur un innocent, éprouve toujours le regret d’avoir été trop loin. Il répare, surtout lorsque la réparation ne lui coûte rien ; et le supérieur, qui a dit à l’employé qui se fait petit des choses désagréables, se sent obligé de faire pour lui des choses qui lui seront utiles.

C’est ainsi que M. Izarn est arrivé à diriger le bureau de l’Alimentation. Il y a dix-huit employés sous ses ordres, qui tous travaillent comme des nègres. Dans son service, pas moyen de flâner. S’il n’y a pas de besogne, il en invente, et du matin au soir il est sur le dos de ses employés, qui le trouvent « taonnant. »

La manière dont M. Izarn a composé ce bureau exceptionnel mérite vraiment d’être rapportée.

Il a procédé par élimination. Sur dix employés qu’on lui donnait, il s’en trouvait toujours un qui, bien stylé et exactement surveillé, faisait à peu près son affaire ; cet homme précieux, il le gardait et se débarrassait des autres en faveur de ses collègues.

C’est ainsi que, depuis trois ans, il n’est pas passé moins de cent quatre-vingts commis et expéditionnaires dans le bureau de M. Izarn ; il en est resté dix-huit ; mais aussi quels piocheurs ! Chacun d’eux est de la force de dix employés-vapeur. Aussi n’avancent-ils jamais. Ils sont là à vie.