Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Est-ce qu’une femme a le temps de s’ennuyer dans la journée ? répliqua M. Sangdemoy ; elle trouve trop d’occupation dans son intérieur, alors même qu’elle n’aurait pas à ses côtés un enfant, ange gardien du foyer. Une femme ne s’ennuie que le soir, quand son mari déserte la maison. Et d’ailleurs, où sont les hommes qui appartiennent exclusivement à leurs femmes ? Est-ce le médecin, cet homme de dévouement qui n’est même pas maître de ses nuits ? Est-ce l’avocat, le juge, l’artiste ? Il faut que l’employé se marie, et le plus tôt est le mieux. L’employé marié présente plus de surface, plus de garanties ; c’est un citoyen, tandis qu’on devrait refuser ce titre au célibataire inutile. Et les bons partis ne vous manqueront pas : quel père de famille ne s’estime heureux de donner sa fille à un homme muni d’un emploi sûr ? Ne sait-on pas d’ailleurs que l’administration protège l’employé marié et lui donne de l’avancement en raison du nombre de ses enfants ?

— Comme je veux être directeur, dit Caldas, je me marie, et j’ai beaucoup d’enfants.

— Tant mieux ! fit M. Sangdemoy.

— Tant pis ! fit M. Bizos.

— Mille remercîments, messieurs ! dit Caldas. Si l’on suivait jamais les conseils qu’on demande, je serais vraiment fort embarrassé.