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— Toc, toc, toc, toc…

— Qui est là ? dit Caldas, furieux d’être éveillé en sursaut.

— C’est moi, Krugenstern, fit un accent souabe des plus prononcés.

— Mon Dusautoy, murmura Caldas ; et il ouvrit.

Il était joliment en colère, le père Krugenstern, ce matin-là. Il voulait de l’argent, il attendait son argent depuis dix-neuf mois.

— Et voilà dix-neuf mois aussi que j’attends ma nomination, s’écria Caldas, et je viens seulement de la recevoir ; tenez, la voici. Mais elle arrive trop tard… quand je n’ai plus d’habits… je vais allumer ma pipe avec ce chiffon.

Krugenstern retint la main de l’insensé. À ce mot de nomination, son cœur de tailleur avait battu plus fort. Il avait compris que de ce jour Caldas devenait un débiteur sérieux ; sa créance allait avoir une base ; l’employé présente une surface, et l’on peut mettre opposition à ses appointements.

Sans mot dire, grave, contenu, M. Krugenstern tira de sa poche son mètre et son morceau de craie, et prit mesure à Caldas, qu’il trouva sensiblement maigri.