Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’avait voulu, comme une petite cour. Il faisait un geste, on admirait ; il ouvrait la bouche, on riait d’avance ; il ne s’était jamais cru si drôle.

On recherchait avec empressement les bonnes grâces de cet homme heureux qui avait un journal où dire du mal de ses camarades.

Caldas, qui était modeste et qui n’avait aucune vocation pour l’état de confident littéraire, fut bien vite assommé des élucubrations de ces messieurs. Son air froid en rebuta quelques-uns ; il renvoya les autres, grâce à quelques mots méchants ; mais il en est deux dont il lui fut impossible de se débarrasser.

Ces deux obstinés étaient le poète Jouvard et l’aimable Sansonnet, nouvelliste à la main par vocation.

Quoi que pût faire Romain, Sansonnet ne le lâchait pas plus que son ombre. Deux fois par jour régulièrement il venait le voir à son bureau, et l’obsédait en lui offrant sans cesse des chopes, des absinthes, des demi-tasses toujours refusées.

Outre que l’insidieux Sansonnet désirait pouvoir faire parade de l’amitié d’un gendelettre, il nourrissait le projet d’arriver par Romain à connaître quelques célébrités, acteurs, actrices, vaudevillistes ; enfin et surtout, il espérait parvenir jusqu’au Bilboquet et