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— Ce n’est pas pour elle, monsieur, je vous l’affirme.

— Alors, pourquoi, tout à coup, ne plus paraître dans une maison où vous sembliez faire votre cour à une jeune fille dont on vous eut accordé la main, M. Fauvel me l’a dit, vous l’avez écrit à votre père.

— J’ai eu des raisons que je ne puis dire, répondit Prosper dont la voix trembla.

— Le juge respira. Enfin, il trouvait un défaut à l’armure du prévenu.

— Serait-ce Mlle Madeleine qui vous aurait éloigné ? demanda-t-il.

Prosper garda le silence. Il était visiblement très-agité.

— Parlez, insista M. Patrigent, je dois vous prévenir que cette circonstance est des plus graves aux yeux de la prévention.

— Quel que soit le péril du silence, je dois me taire

— Prenez garde, fit le juge, la justice ne saurait se payer de scrupules de conscience.

M. Patrigent se tut. Il attendait une réponse, elle ne vint pas.

— Vous vous obstinez, reprit-il, eh bien ! poursuivons. Vous avez, depuis un an, dépensé, dites-vous 50,000 fr. La prévention dit 70,000 ; mais prenons votre chiffre. Vos ressources sont à bout, votre crédit est épuisé, continuer votre genre de vie est impossible ; que comptiez-vous faire ?

— Je n’avais aucun projet, monsieur, je m’étais dit ça ira tant que ça pourra, et après…

— Et après : je puiserai à la caisse, n’est-ce pas ?

— Eh ! monsieur, s’écria Prosper, je ne serais pas ici, si j’étais coupable ! Je n’aurais pas été si sot de retourner à mon bureau, j’aurais fui…

M. Patrigent ne put dissimuler un sourire de satisfaction.

— Enfin ! dit-il, voilà l’argument que j’attendais. C’est précisément en ne prenant pas la fuite, en restant, pour faire tête à l’orage, que vous prouvez votre intelligence.