Décidément, le prévenu avait réponse à tout. M. Patrigent dut chercher un autre point d’attaque.
— Si vous n’aviez rien à cacher, dit-il, pourquoi ce billet — il le montrait — jeté mystérieusement à un de vos collègues ?
Le coup, cette fois, porta. Les yeux de Prosper vacillaient sous le regard du juge d’instruction.
— Je pensais, balbutia-t-il, je voulais…
— Vous vouliez cacher votre maîtresse.
— Eh bien ! oui, monsieur, c’est vrai. Je savais que lorsqu’un homme est, comme je le suis, accusé d’un crime, toutes les faiblesses, toutes les défaillances de sa vie deviennent des charges terribles.
— C’est-à-dire que vous avez compris que la présence d’une femme chez vous donnait un poids énorme à l’accusation. Car vous vivez avec une femme ?…
— Je suis jeune, monsieur…
— Assez !… la justice peut pardonner à des égarements passagers, elle ne saurait excuser le scandale de ces unions, qui sont un défi permanent jeté à la morale publique. L’homme qui se respecte assez peu pour vivre avec une femme perdue, n’élève pas cette femme jusqu’à lui, il descend jusqu’à elle.
— Monsieur !…
— Vous savez, j’imagine, quelle est la femme à laquelle vous laissiez donner le nom honorable porté par votre mère ?
— Mme Gypsy, monsieur, était institutrice lorsque je l’ai connue ; elle est née à Porto et est venue en France à la suite d’une famille portugaise.
Le juge d’instruction haussa les épaules.
— Elle ne s’appelle pas Gypsy, dit-il, elle n’a jamais été institutrice, elle n’est pas Portugaise.
Prosper voulut protester, mais M. Patrigent lui imposa silence. Il cherchait parmi toutes les pièces contenues dans un énorme dossier placé devant lui.
— Ah ! voilà, fit-il, écoutez. Palmyre Chocareille, née à Paris en 1840, fille de Chocareille (Jacques), em-