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Ainsi reprit-il, vous vous en tenez à votre premier système. Vous persistez à accuser votre patron.

— Lui, ou tout autre.

— Pardon !… lui seul, puisque seul il avait le mot. Avait-il, à se voler lui-même, un intérêt quelconque ?

— J’ai cherché, monsieur, je ne lui en vois pas.

— Eh bien ! prononça sévèrement le juge, je vais vous dire quel intérêt vous aviez, vous, à le voler.

M. Patrigent parlait en homme sûr de son fait, mais son assurance n’était qu’apparente.

Il s’était préparé à frapper d’un dernier coup de massue un prévenu qui lui arriverait pantelant, il était dérouté de le voir si calme et si déterminé en sa résistance.

— Voulez-vous me dire, commença-t-il d’un ton qui se ressentait de son dépit, pouvez-vous me dire, combien vous avez dépensé depuis un an ?

Prosper n’eut besoin ni de réflexions, ni de calculs.

— Oui, monsieur, répondit-il sans hésiter. Les circonstances étaient telles que j’ai apporté le plus grand ordre à mon désordre ; j’ai dépensé environ 50,000 fr.

— Et où les avez-vous pris ?

— D’abord, monsieur, je possédais 12,000 francs, provenant de la succession de ma mère. J’ai touché chez M. Fauvel, pour mes appointements et ma part d’intérêt dans les bénéfices, 14,000 francs. J’ai gagné à la Bourse environ 8,000 francs. J’ai emprunté le reste, je le dois, mais je puis le payer ayant chez M. Fauvel 15,000 francs à moi.

Le compte était net, précis, aisé à vérifier, il devait être exact.

— Qui donc vous prêtait ainsi de l’argent ?

— M. Raoul de Lagors.

Ce témoin, parti pour un voyage le jour même du vol, n’avait pu être entendu. Force était à M. Patrigent de s’en rapporter, au moins pour le moment, à la déclaration de Prosper.

— Soit, dit-il, je n’insisterai pas sur ce point. Appre-