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des le taquinaient. Pour suivre seul l’affaire Bertomy, il lui fallait jouer un double jeu qu’on pouvait découvrir. À ménager la chèvre de la justice et le chou de son ambition, il courait de gros risques, dont le moindre était de perdre sa place.

— J’ai eu beaucoup à faire, répondit-il pour s’excuser, et je n’ai pas perdu mon temps.

Et tout aussitôt il se mit à rendre compte de ses démarches. Non sans embarras, par exemple, car il ne parlait qu’avec toutes sortes de restrictions, triant ce qu’il devait dire et ce qu’il pouvait taire. Ainsi, il livra l’histoire de la lettre de Cavaillon, remit même au juge cette lettre qu’il avait volée à Gypsy, mais il ne souffla mot de Madeleine. En revanche, il donna sur Prosper et sur madame Gypsy une foule de détails biographiques ramassés un peu partout.

À mesure qu’il avançait dans son récit, les convictions de M. Patrigent s’affermissaient.

— Évidemment, murmura-t-il, ce jeune homme est coupable.

Fanferlot ne releva pas cette réflexion. Cette opinion n’était pas la sienne, mais il était ravi de cette idée que le juge faisait fausse route, se disant qu’il n’en aurait que plus de gloire à saisir le vrai coupable. Le fâcheux est qu’il ne savait encore comment arriver à ce beau résultat.

Tous les renseignements recueillis, le juge congédia son agent en lui donnant diverses missions et en lui assignant rendez-vous pour le lendemain.

— Surtout, dit-il en finissant, ne perdez pas de vue la fille Gypsy ; elle doit savoir où est l’argent et peut nous mettre sur la trace.

Fanferlot eut un sourire malin.

— Monsieur le juge peut être tranquille, dit-il ; la dame est en bonnes mains.

Resté seul, et bien que la soirée fût avancée, M. Patrigent prit encore bon nombre de mesures qui devaient faire affluer chez lui les dépositions.