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Le banquier parut chercher.

— Aucun absolument, répondit-il. J’ai toujours supposé que Prosper avait été entraîné hors du droit chemin par un jeune homme dont il fit la connaissance chez moi à cette époque, M. Raoul de Lagors.

— Ah !… et quel est ce jeune homme ?

— Un parent de ma femme, un charmant garçon, spirituel, bien élevé, un peu étourdi, mais assez riche pour payer ses étourderies.

Le juge d’instruction n’avait plus l’air d’écouter ; il inscrivait ce nom de Lagors sur son agenda, à la suite d’une liste de noms déjà longue.

— Maintenant, reprit-il, arrivons au fait : Vous êtes sûr que le vol n’a pas été commis par personne de votre maison !

— Matériellement sûr ; oui, monsieur.

— Votre clé ne vous quittait jamais ?

— Rarement, du moins ; et quand je ne la portais pas sur moi, je la déposais dans un des tiroirs du secrétaire de ma chambre à coucher.

— Où était-elle, le soir du vol ?

— Dans mon secrétaire.

— Mais alors…

— Pardon, monsieur, interrompit M. Fauvel, permettez-moi de vous faire remarquer que pour un coffre-fort comme le mien la clé ne signifie rien. Avant tout il faut connaître le mot sur lequel tournent les cinq boutons mobiles. Avec le mot, on peut à la rigueur ouvrir sans clé, mais sans le mot…

— Et ce mot, vous ne l’avez dit à personne ?

— À personne au monde, non monsieur. Et tenez, j’aurais été parfois bien embarrassé de dire sur quel mot ma caisse était fermée. Prosper le changeait quand bon lui semblait, il me prévenait et il m’arrivait de l’oublier.

— L’aviez-vous oublié, le jour du vol ?

— Non, le mot avait été changé l’avant-veille et sa singularité m’avait frappé.