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— Certes, non ! Et cependant, mille raisons auraient dû m’inquiéter.

— Quelles raisons, je vous prie ?

— M. Bertomy, mon caissier, jouait, il passait des nuits au baccarat, à diverses reprises j’ai su qu’il avait perdu de fortes sommes. Il avait de mauvaises connaissances. Une fois, avec un des clients de ma maison, M. de Clameran, il s’est trouvé mêlé à une affaire scandaleuse de jeu, qui avait commencé chez une femme, et qui s’est terminée en police correctionnelle.

Et pendant plus d’une minute, le banquier chargea terriblement Prosper. Quand enfin il s’arrêta :

— Avouez, monsieur, fit le juge, que vous êtes bien imprudent, pour ne pas dire bien coupable, d’avoir osé confier votre caisse à un tel homme.

— Eh ! monsieur, répondit M. Fauvel, Prosper n’a pas toujours été ainsi. Jusqu’à l’an passé, il a été le modèle des hommes de son âge. Admis dans ma maison, il faisait presque partie de ma famille, il passait toutes ses soirées avec nous, il était l’ami intime de mon fils aîné, Lucien. Puis, tout à coup, brusquement, du jour au lendemain, il a cessé ses visites et nous ne l’avons plus revu. Cependant, j’avais tout lieu de le croire fort épris de ma nièce Madeleine.

M. Patrigent eut un certain froncement de sourcils qui lui est familier quand il croit avoir saisi quelque indice.

— Ne serait-ce pas précisément cette inclination, demanda-t-il, qui aurait déterminé l’éloignement de M. Bertomy ?

— Pourquoi ? fit le banquier de l’air le plus surpris. Je lui aurais le plus volontiers du monde accordé la main de Madeleine, et pour être franc, je supposais qu’il me la demanderait. Ma nièce eût été un beau parti, un parti inespéré pour lui ; elle est très-jolie, et elle aura un demi-million de dot.

— Alors, vous ne voyez nul motif à la conduite de votre caissier ?