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qu’un juge d’instruction peut réunir les éléments d’un interrogatoire.

Pour triompher de l’opiniâtre défense d’un prévenu qui se renferme dans la négation absolue comme dans une forteresse, il faut des armes. Ces armes, M. Patrigent s’occupait à les préparer.

Si Prosper était resté une heure de plus dans la galerie, il aurait vu le même huissier qui l’avait appelé sortir du cabinet du juge d’instruction et crier :

— Le numéro 3 !

Le témoin qui avait le numéro 3, et qui s’était assis, en attendant son tour, sur le banc de bois, c’était M. André Fauvel.

Le banquier n’était plus le même homme.

Autant, dans ses bureaux, il avait paru animé d’intentions bienveillantes, autant, lorsqu’il entra chez le juge, il semblait irrité contre son caissier. La réflexion qui, d’ordinaire, amène avec le calme le besoin de pardonner, ne lui avait apporté que colère et désirs de vengeance.

Les inévitables questions qui commencent tout interrogatoire lui avaient à peine été adressées que son naturel fougueux l’emportant, il se répandit contre Prosper en récriminations et même en invectives.

Il fallut que M. Patrigent lui imposât silence, lui rappelant ce qu’il se devait à lui-même, quels que fussent d’ailleurs les torts de son employé.

Facile tout à l’heure avec le prévenu, le juge d’instruction devenait attentif et méticuleux. C’est que l’interrogatoire de Prosper n’avait été qu’une formalité, la constatation d’un fait brutal. Il s’agissait maintenant de rechercher les faits accessoires, les particularités, de grouper enfin en faisceau les circonstances, en apparence les plus insignifiantes, pour en tirer une conviction.

— Procédons par ordre, monsieur, dit-il à M. Fauvel, et, pour le moment, bornez-vous, je vous prie, à répondre à mes questions. Doutiez-vous de la probité de votre caissier ?