— Non monsieur.
— Vous vous dites innocent, le coupable est donc M. Fauvel.
Prosper ne répondit pas.
— Avez-vous, insista M. Patrigent, quelque motif de croire que votre patron s’est volé lui-même ? Si léger qu’il soit, dites-le-moi.
Et comme le prévenu gardait toujours le silence :
— Allons, reprit le juge, vous avez, je le vois, besoin de réfléchir encore. Écoutez la lecture de votre interrogatoire que va vous faire mon greffier, vous signerez ensuite et on vous reconduira en prison.
Le malheureux était anéanti. La dernière lueur qui avait éclairé son désespoir s’éteignait. Il n’entendit rien de ce que lui lut Sigault, c’est sans voir qu’il signa.
Il était si chancelant en sortant du cabinet du juge, que son gardien lui conseilla de s’appuyer sur lui.
— Cela ne va donc pas bien ? lui dit cet homme ; allons, monsieur, il faut du courage.
Du courage ! Prosper n’en avait plus quand il se retrouva dans sa cellule ; mais avec la colère, la haine entrait dans son cœur.
Il s’était promis qu’il parlerait au juge d’instruction, qu’il se défendrait, qu’il établirait son innocence, on ne lui en avait pas laissé le temps. Il se reprochait amèrement d’avoir cru à des apparences de bienveillance.
— Quelle dérision ! disait-il, est-ce donc là un interrogatoire ?
Non, ce n’était pas un interrogatoire, en effet, mais une simple formalité.
En faisant comparaître Prosper, M. Patrigent obéissait à l’article 93 du Code d’instruction criminelle, lequel dit que « tout inculpé sous le coup d’un mandat d’amener sera interrogé dans les vingt-quatre heures au plus tard. »
Mais ce n’est pas en vingt-quatre heures, surtout dans une affaire comme celle-là, en l’absence de tout corps de délit, de toute preuve matérielle, de tout indice même,