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Il rechercha les origines et le point de départ de tous les chefs opulents des grandes entreprises financières, et il reconnut qu’à leurs débuts ils possédaient pour la plupart moins que lui.

Comment donc s’étaient-ils élevés ? À force d’énergie, d’intelligence et d’audace. Pour eux, la pensée féconde avait été comme la lampe merveilleuse aux mains d’Aladin.

Il se jura de les imiter et d’arriver comme eux.

De ce jour, avec une force de volonté beaucoup moins rare qu’on ne croit, il imposa silence à ses instincts. Il réforma, non son caractère, mais les dehors de son caractère.

Et ses efforts n’avaient pas été perdus. On avait foi en son caractère et en ses moyens. Ceux qui le connaissaient disaient :

— Il arrivera !…

Et il était là, en prison, accusé d’un vol, c’est-à-dire perdu.

Car il ne s’abusait pas. Il savait qu’innocent ou coupable, l’homme soupçonné est marqué d’une flétrissure aussi ineffaçable que les lettres jadis imprimées au fer rouge sur l’épaule des forçats.

Dès lors à quoi bon lutter ! À quoi bon un triomphe qui ne lave pas la souillure !…

Quand le gardien de service, le soir, lui apporta son repas, il le trouva étendu sur son lit, la tête enfoncée dans son oreiller, pleurant à chaudes larmes.

Ah ! il n’avait plus faim, maintenant qu’il était seul. Un invincible engourdissement l’envahissait ; sa volonté éperdue flottait dans un brouillard opaque.

La nuit vint, longue, terrible, et pour la première fois il n’eut pour mesurer les heures que le pas cadencé des rondes relevant les sentinelles. Il souffrait.

Au matin, cependant, le sommeil lui vint avec le jour, et il dormait encore lorsque la voix du geôlier retentit dans la cellule.

— Allons, monsieur, disait-il, à l’instruction !