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nais Prosper, il est homme à se laisser assassiner sans lutter, sans mot dire, à s’abandonner par insousiance, par désespoir…

— Pardon, chère madame, pardon ! interrompit l’agent de la sûreté, M. Bertomy, précisément, n’a pas l’air d’un homme qui s’abandonne, comme vous dites. Je croirais volontiers, au contraire, qu’il a déjà bâti son plan de défense. Savez-vous si en vous montrant, lorsqu’il vous recommande de vous cacher, vous n’allez pas renverser ses plus sûrs moyens de justification ?

Mme  Gypsy tardait à répondre. Elle examinait la valeur des objections de Fanferlot.

— Je ne puis pourtant pas, reprit-elle, rester là, inactive, sans essayer de contribuer en quelque chose à son salut. Ne comprenez-vous donc pas que le parquet ici me brûle les pieds ?

Évidemment, si elle n’était pas absolument convaincue, sa résolution était ébranlée. L’homme de la préfecture de police sentit qu’il l’emportait, et cette certitude, lui laissant l’esprit plus libre, donna plus d’autorité à son éloquence.

— Vous avez, chère dame, reprit-il, un moyen bien simple de servir l’homme que vous aimez.

— Lequel, monsieur, lequel ?

— Obéissez-lui, mon enfant, prononça paternellement M. Fanferlot.

Mme  Gypsy s’attendait à tout autre conseil.

— Obéir !… murmura-t-elle, obéir…

— Là est votre devoir, reprit Fanferlot, devenu grave et digne, devoir sacré.

Elle hésitait, encore, il prit sur la table la lettre de Prosper, qu’elle y avait posée, et il continua :

— Quoi ! M. Bertomy, dans un moment terrible, alors qu’il va être arrêté, vous écrit pour vous tracer votre conduite, et vous voulez rendre vaine cette sage précaution ! Que vous dit-il ? Tenez, relisons ensemble ce billet, qui est comme le testament de sa liberté. Il vous dit : « Si tu m’aimes, je t’en prie, obéis… » Et vous hé-