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— Prosper voler, disait-elle, ce serait trop bête. Voler ! à quoi bon ? N’a-t-il pas une grande fortune ?…

— C’est que précisément, belle dame, insinua l’agent de la sûreté, on affirme que M. Bertomy n’est pas riche, qu’il n’a pour vivre que ses appointements.

Cette réponse parut confondre toutes les idées de Mme  Gypsy.

— Cependant, insista-t-elle, je lui ai toujours vu beaucoup d’argent. Pas riche… mais alors…

Elle n’osa pas achever, mais ses yeux rencontrant ceux de Fanferlot, ils se comprirent.

Le regard de Mme  Nina voulait dire :

— Ce serait donc pour moi, pour mon luxe, pour mes caprices, qu’il aurait volé ?

— Peut-être !… répondait le regard de l’agent de la sûreté.

Mais dix secondes de réflexion rendirent à la jeune femme son assurance première. Le doute qui, de son aile, avait effleuré son esprit, s’envola.

— Non ! s’écria-t-elle, jamais, malheureusement, Prosper n’aurait volé un sou pour moi. Qu’un caissier puise à pleines mains dans la caisse confiée à son honneur, pour une femme qu’il aime, on le comprend et on se l’explique ; mais Prosper ne m’aime pas, il ne m’a jamais aimée.

— Oh ! belle dame ! protesta le galant et poli Fanferlot, ce que vous dites là, vous ne le pensez pas.

Elle secoua tristement la tête ; une larme, à grand’peine retenue, voilait l’éclat de ses beaux yeux.

— Je le pense, répondit-elle, et c’est vrai. Il est prêt à courir au-devant de mes fantaisies, direz-vous ? Qu’est-ce que cela prouve. Quand je dis qu’il ne m’aime pas, je n’en suis que trop persuadée, allez, et je m’y connais. Une fois en ma vie, j’ai été aimée par un homme de cœur, et par ce que je souffre depuis une année, je comprends à quel point je l’ai rendu malheureux. Je ne suis rien, dans la vie de Prosper, à peine un accident…

— Mais alors pourquoi…