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mandant comment commencer l’entretien ; Mme  Gypsy le toisait de l’air le plus dédaigneux, stupéfaite de voir dans son salon ce personnage étriqué et râpé, à chapeau gras retapé à l’aide d’un crêpe.

Ayant des créanciers, elle cherchait en sa mémoire lequel pouvait bien avoir cette tournure subalterne, ou tout au moins lequel se permettait d’envoyer ce cuistre essuyer ses bottes éculées à la haute laine de ses tapis.

Son examen terminé :

— Que désirez-vous ? demanda-t-elle enfin en forçant ses paupières au clignotement le plus impertinent.

Tout autre que Fanferlot aurait été révolté de ces regards et de ce ton ; lui n’y fit attention que pour en tirer quelques notions sur le caractère de la jeune femme.

— Elle n’est point bonne, non ! pensa-t-il, et pas la moindre éducation.

Il tardait à répondre, Mme  Nina frappa du pied avec impatience.

— Parlerez-vous, répéta-t-elle, que voulez-vous ?

— Je suis chargé, chère madame, fit l’agent de la sûreté, de sa plus douce et plus humble voix, de vous remettre un petit billet de M. Bertomy.

— De Prosper !… Vous le connaissez donc ?

— J’ai cet honneur, et même, si j’ose m’exprimer ainsi, je suis de ses amis.

— Monsieur !… fit Mme Gypsy, blessée dans son amour-propre.

M. Fanferlot ne daigna pas prendre garde à cette injurieuse exclamation. Il est ambitieux ; le mépris, sur lui, glisse comme la pluie sur une cuirasse grasse.

— J’ai dit de ses amis, insista-t-il, et peu de personnes, j’en suis sûr, auraient maintenant le courage d’avouer hautement leur amitié pour lui.

L’agent de la sûreté s’exprimait avec un sérieux si convaincu que Mme  Gypsy en fut frappée.

— Je n’ai jamais su deviner les énigmes, dit-elle sèchement ; que prétendez-vous insinuer, s’il vous plaît ?