Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Raison de plus pour vous tenir tranquille. Pouvez-vous le servir ? Non, n’est-ce pas ? Eh bien ! je vous dirai, moi, que vous pouvez lui nuire. On sait que vous lui êtes dévoué, ne remarquera-t-on pas votre absence ? Si vous vous remuez, si vous tentez des démarches qui n’aboutiront à rien, ne les interprétera-t-on pas mal ?

— Prosper est innocent, monsieur, j’en suis sûr.

C’était positivement l’opinion de Fanferlot ; mais il ne pouvait lui convenir de laisser deviner sa pensée intime, et, cependant, dans l’intérêt de ses investigations à venir, il lui importait d’imposer au jeune employé la prudence et la discrétion. Il aurait bien voulu le prier de se taire sur ce qui venait de se passer entre eux ; mais il n’osa pas.

— Ce que vous dites est fort possible, répondit-il, et je l’espère pour M. Bertomy. Je l’espère surtout pour vous, qui, s’il est coupable, serez infailliblement inquiété, vu votre intimité notoire, et peut-être même soupçonné de complicité.

Cavaillon baissa la tête ; il était atterré.

— Ainsi, croyez-moi, mon jeune monsieur, poursuivit Fanferlot, allez reprendre vos occupations et… à l’honneur de vous revoir.

Le pauvre garçon obéit. Lentement, le cœur bien gros, il regagna la rue Notre-Dame-de-Lorette. Il se demandait comment servir Prosper, comment avertir Mme  Gypsy, comment surtout se venger de cet odieux agent de police qui venait de l’humilier si cruellement.

Dès qu’il eut disparu à l’angle de la rue, Fanferlot entra dans la maison, jeta au portier le nom de Prosper Bertomy, monta et sonna à la porte du premier étage.

Un domestique d’une quinzaine d’années, portant une livrée coquette, vint lui ouvrir.

Mme  Nina Gypsy ? demanda-t-il.

Le petit groom hésita ; ce que voyant, M. Fanferlot montra sa lettre.

— Je suis chargé, insista-t-il, par M. Prosper, de remettre ce billet à madame et d’attendre sa réponse.