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a que je n’ai pas de chance, voyez-vous. Pour une fois que je tombe sur une vraie affaire, paf ! mon criminel fait banqueroute.

— Alors, c’est Clameran qui…

— Eh !… oui ! c’est lui ! En m’apercevant ce matin, le gaillard a détalé comme un lièvre, d’un train, oh ! mais d’un train… je croyais qu’il irait comme cela jusqu’à Ivry, pour le moins. Pas du tout. Arrivé au boulevard des Écoles, une idée subite le prend, et il accourt ici. Très-probablement il venait chercher son magot. Il entre ; que voit-il ? Mes trois camarades ici présents. Cette vue a été pour lui comme un coup de marteau sur le front. Il s’est vu perdu, la raison a déménagé.

— Mais où est-il ?

— À la préfecture, sans doute, j’ai vu des sergents de ville le ficeler et le porter dans un fiacre.

— Alors, arrive…

C’est, en effet, dans une de ces cellules particulières, réservées aux hôtes dangereux, que M. Verduret et Fanferlot trouvèrent Clameran.

On lui avait passé une camisole de force, et il se débattait furieusement entre trois employés et un médecin qui voulait lui faire avaler une potion.

— Au secours !… criait-il, à moi, à l’aide !… Ne le voyez-vous pas ? Il s’avance, c’est mon frère, il veut m’empoisonner !…

M. Verduret prit le médecin à part pour lui demander quelques renseignements.

— Ce malheureux est perdu, répondit le docteur ; ce genre particulier d’aliénation ne se guérit pas. Il croit qu’on veut l’empoisonner, il repoussera toute boisson, toute nourriture… et, quoiqu’on tente, il finira par mourir de faim, après avoir subi toutes les tortures du poison.

M. Verduret frissonnait, en sortant de la préfecture.

Mme Fauvel est sauvée, murmurait-il, puisque c’est Dieu qui se charge de punir Clameran.