Il recula épouvanté en murmurant :
— Le paillasse !
— Juste ! répondit le gros homme, tout juste. Ah ! vous me reconnaissez ! Alors j’avoue. Oui, je suis le joyeux paillasse du bal de MM. Jandidier. En doutez-vous ?
Il releva la manche de son paletot, mit son bras à nu et poursuivit :
— Si vous n’êtes pas bien convaincu, examinez cette cicatrice toute fraîche. Ne connaîtriez-vous pas le maladroit qui, une belle nuit que je passais rue Bourdaloue, est tombé sur moi, un couteau ouvert à la main ?… Ah ! vous ne niez pas ?… C’est autant de gagné. En ce cas, vous allez être assez aimable pour nous conter votre petite histoire…
Mais Raoul était en proie à une de ces terreurs qui contractent la gorge et empêchent de prononcer un mot.
— Vous vous taisez ? reprit M. Verduret, seriez-vous donc modeste ? Bravo !… La modestie sied au talent, et vrai, pour votre âge, vous êtes un coquin assez réussi.
M. Fauvel écoutait sans comprendre.
— Dans quel abîme de honte sommes-nous donc tombés ! gémissait-il.
— Rassurez-vous, monsieur ; répondit M. Verduret redevenu sérieux. Après ce que j’ai été contraint de vous apprendre, ce qu’il me reste à vous dire n’est plus rien. Voici le complément de l’histoire :
En quittant Mihonne, qui venait de lui révéler les… malheurs de Mlle Valentine de La Verberie, Clameran n’a rien eu de plus pressé que de se rendre à Londres.
Bien renseigné, il eut vite retrouvé la digne fermière à laquelle la comtesse avait confié le fils de Gaston.
Mais là, une déconvenue l’attendait.
On lui apprit que cet enfant, inscrit à la paroisse sous le nom de Raoul-Valentin Wilson, était mort du croup, à l’âge de dix-huit mois.
Raoul essaya de protester.
— On a dit cela ?… commença-t-il.
— On l’a dit, oui, mon joli garçon, et on l’a aussi écrit.