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— Monsieur… commença-t-il, daignez, je vous prie…

Mais le ton de sa voix suffit pour briser le charme. La colère du banquier se réveilla plus terrible, plus menaçante.

— Ah ! taisez-vous !… s’écria-t-il, en blasphémant, taisez-vous !…

Il y eut un long silence, qu’interrompaient seuls les sanglots de Mme Fauvel.

— J’étais venu, reprit le banquier, avec l’intention formelle de vous surprendre et de vous tuer tous deux. Je vous ai surpris, mais… le courage, oui, le courage me manque… Je ne saurais tuer un homme désarmé.

Raoul essaya une protestation.

— Laissez-moi parler ! interrompit M. Fauvel. Votre vie est entre mes mains, n’est-ce pas ? La loi excuse la colère du mari offensé. Eh bien ! je ne veux pas de l’excuse du Code. Je vois sur votre cheminée un revolver semblable au mien, prenez-le et défendez-vous…

— Jamais !…

— Défendez-vous ! poursuivit le banquier en élevant son arme, défendez-vous ; sinon…

Raoul vit à un pied de sa poitrine le canon du revolver de M. Fauvel, il eut peur et prit son arme sur la cheminée.

— Mettez-vous dans un des angles de la chambre, continua le banquier, je vais me placer dans l’autre, au coup de votre pendule qui va sonner dans quelques secondes, nous tirerons ensemble.

Ils se placèrent comme le disait M. Fauvel, lentement, sans mot dire. Mais la scène était trop affreuse pour que Mme Fauvel put la supporter. Elle ne comprit plus qu’une chose, c’est que son fils et son mari allaient s’égorger, là, sous ses yeux.

L’épouvante et l’horreur lui donnèrent la force de se lever, et elle se plaça entre les deux hommes, les bras étendus, comme si elle eût eu l’espérance d’arrêter les balles. Elle s’était tournée vers son mari :