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tressaillit et fut remué jusqu’au plus profond de ses entrailles.

C’est qu’elle lui rappelait, cette voix, toutes les heures de bonheur que depuis vingt ans il devait à cette femme, qui avait été la maîtresse souveraine de sa volonté et qui, d’un regard, avait pu le rendre heureux ou malheureux.

Tout le monde du passé s’éveillait à ces prières. En cette malheureuse se traînant à ses pieds il reconnaissait cette bien-aimée Valentine, entrevue comme un rêve sous les poétiques ombrages de La Verberie. En elle il revoyait l’épouse aimante et dévouée des premières années, celle qui avait failli mourir quand était né Lucien.

Et au souvenir des félicités d’autrefois, qui ne devaient plus revenir, son cœur se gonflait de tristesse, l’attendrissement le gagnait, — le pardon montait à ses lèvres.

— Malheureuse ! murmurait-il, malheureuse ! Que t’avais-je donc fait ? Ah ! je t’aimais trop, sans doute, et je te l’ai trop laissé voir. On se lasse de tout ici-bas, même du bonheur. Elles te semblaient fades, n’est-ce pas, les pures joies du foyer domestique ? Fatiguée des respects dont tu étais entourée et que tu méritais, tu as voulu risquer ton honneur, le nôtre, et braver les mépris du monde. En quel abîme es-tu tombée, ô Valentine ! et comment, si mes tendresses t’importunaient à la longue, n’as-tu pas été retenue par la pensée de nos enfants !

M. Fauvel parlait lentement, avec les efforts les plus pénibles, comme si à chaque mot il eût été près de suffoquer.

Raoul, lui, qui écoutait avec une attention profonde, devina que si, en effet, le banquier savait beaucoup de choses, il ne savait pas tout.

Il comprit que des renseignements erronés avaient abusé le banquier, et qu’il était victime en ce moment de trompeuses apparences.

Il pensa que le malentendu qu’il soupçonnait pouvait s’expliquer.