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Mais avec l’argent, la prudence lui était venue. Il voulait jouir honnêtement de ses 400,000 francs volés, et tenait à ne pas compromettre sa considération nouvelle.

Il se mit donc à chercher de son côté quelque moyen discret de faire disparaître son redoutable complice. Le moyen était difficile à trouver…

En attendant, il trouva de bonne guerre de faire avorter les combinaisons de Clameran et d’empêcher son mariage. Il était sûr ainsi de l’atteindre en plein cœur, et c’était déjà une satisfaction.

Ce mariage, il ne tenait qu’à Raoul de le faire manquer. De plus, il était persuadé qu’en prenant franchement le parti de Madeleine et de sa tante, il les tirerait des mains de Clameran.

C’est à la suite de cette résolution longuement méditée qu’il écrivit à Mme  Fauvel pour lui demander un rendez-vous.

La pauvre femme n’hésita pas. Elle accourut au Vésinet à l’heure indiquée, tremblant d’avoir à subir encore des exigences et des menaces.

Elle se trompait. Elle retrouva le Raoul des premiers jours, ce fils si séduisant et si bon, dont les caresses l’avaient séduite. C’est qu’avant de s’ouvrir à elle, avant de lui expliquer la vérité à sa façon il tenait à la rassurer.

Il réussit. C’est d’un air souriant et heureux que cette femme infortunée s’assit sur un fauteuil pendant que Raoul s’agenouillait devant elle.

— Je t’ai trop fait souffrir, mère, murmura-t-il de sa voix la plus câline, je me repens, écoute-moi…

Il n’eut pas le temps d’en dire davantage ; au bruit de la porte qui s’ouvrait, il s’était redressé brusquement.

M. Fauvel, un revolver à la main, était debout sur le seuil.

Le banquier était affreusement pâle.

Il faisait, il était aisé de le voir, des efforts surhumains pour montrer la froide impassibilité du juge qui voit le