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ces considérations diverses et leurs déductions naturelles refroidirent si singulièrement Raoul, que, rentré à l’hôtel du Louvre, il ne souffla mot de sa mésaventure à Clameran qu’il trouva encore debout.

Vers huit heures et demie, ses témoins arrivèrent.

M. Jacobson consentait à se battre, à l’épée, mais sur l’heure, au bois de Vincennes.

Raoul n’était rien moins que rassuré, cependant c’est fort gaillardement qu’il répondit :

— Soit ! j’accepte les conditions de ce monsieur, partons.

On se rendit sur le terrain, et après une minute d’engagement Raoul fut touché légèrement un peu au-dessus du sein droit.

L’ex-officier supérieur du Sud voulait continuer le combat jusqu’à ce que mort s’ensuivît, ses seconds étaient de cet avis, mais les témoins de Raoul — d’honnêtes garçons — déclarèrent que l’honneur était satisfait, et qu’ils ne laisseraient pas leur client exposer de nouveau sa vie.

Force fut de leur obéir, car ils menaçaient de se retirer, et Raoul rentra, s’estimant très-heureux d’en être quitte pour cette saignée hygiénique, et bien résolu à éviter désormais ce gentleman soi-disant garibaldien.

C’est que depuis la veille, la nuit aidant de ses salutaires conseils, son esprit alerte avait fait beaucoup de chemin.

Entre l’attaque à main armée du Vésinet et ce duel évidemment prémédité et voulu, sans raisons plausibles, il découvrait des coïncidences au moins singulières.

De là, à reconnaître sous les apparences de ces deux tentatives le bras de Clameran, il n’y avait qu’un pas ; son esprit le fit.

Ayant appris par Mme Fauvel quelles conditions Madeleine mettait à son mariage, il comprit quel intérêt énorme Clameran avait à se défaire de lui, sans démêlés avec la justice.

Ce soupçon entré dans son esprit, il se rappela une