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par trois individus qui voulaient absolument, disaient-ils, voir l’heure à sa montre.

D’une force prodigieuse sous ses apparences sveltes, agile, rompu aux exercices du « chausson français » et de la boxe anglaise, Raoul parvint à se débarrasser de ses agresseurs, sans autre dommage qu’une forte égratignure au bras gauche.

Tiré d’affaire, il se promit que désormais il prendrait ses précautions, et que lui, qui jusqu’alors n’avait pas cru aux arrestations nocturnes, serait toujours armé quand il rentrerait.

L’idée, d’ailleurs, ne lui vint pas de soupçonner son complice.

Mais deux jours plus tard, au café qu’il fréquentait, un grand diable d’individu qu’il ne connaissait pas, lui chercha querelle sans motifs, et finit par lui jeter sa carte à la figure, en lui disant qu’il se tenait à sa disposition et était prêt à lui accorder toutes les satisfactions imaginables.

Raoul avait voulu se précipiter sur l’insolent et le châtier de main de maître, ses amis l’avaient retenu.

— C’est bien, dit-il alors, soyez chez vous demain matin, monsieur, je vous adresserai deux de mes amis.

Il dit cela sur le moment, tout frémissant de colère ; mais l’insulteur parti, il recouvra tout son sang-froid, réfléchit, et les doutes les plus singuliers assiégèrent son esprit.

Ayant ramassé la carte de cet individu à grandes moustaches, aux allures de bravache, il avait lu :

w.-h.-b. jacobson
Ancien volontaire de Garibaldi
Ex-officier supérieur des armées du Sud
(Italie-Amérique)
30, rue Léonie.

— Oh ! oh ! pensa-t-il, voici un glorieux militaire qui pourrait bien avoir conquis tous ses grades dans une salle d’armes !