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nœuvre, si téméraire qu’elle semble, était indiquée. Il sait qu’on est sur lui, cet homme, et tout naturellement il cherche à connaître ses adversaires. Comprenez-vous combien il doit souffrir de ses incertitudes ? Peut-être s’imagine-t-il que ceux qui le traquent sont tout simplement d’anciens complices très-affamés qui voudraient une petite part du gâteau. Il va rester là jusqu’à ce que Joseph ressorte, et alors il viendra aux informations.

— Mais je puis sortir sans qu’il m’aperçoive, patron !

— Oui, je sais, tu franchirais le petit mur qui sépare l’hôtel du Grand-Archange de la cour du marchand de vins ; de là, tu passerais par le sous-sol du papetier et tu filerais par la rue de la Huchette.

Ce bon Joseph avait la mine impayable d’un brave homme qui tout à coup, sans savoir d’où, reçoit sur la tête un seau d’eau glacée.

— C’est cela même, patron, bégaya-t-il. On m’a dit, là-bas, que vous connaissiez comme cela toutes vos maisons de Paris. Est-ce vrai ?

Le gros ami de Prosper ne daigna pas répondre. Il se demandait quel profit immédiat tirer de la démarche de Clameran.

Quant au caissier, il écoutait, bouche béante, observant alternativement ces inconnus, qui, sans apparence d’intérêt, avec autant de passion que lui-même, s’ingéniaient à gagner la difficile partie dont son honneur, son bonheur, sa vie, étaient l’enjeu.

— Il y a encore un moyen, proposa Joseph, qui de son côté avait réfléchi.

— Lequel ?

— Je puis sortir tout bonifacement, les mains dans les poches, et regagner en flânant l’hôtel du Louvre.

— Et après ?

— Dame !… le Clameran viendra questionner madame Alexandre, et, si vous lui avez fait la leçon, vous savez combien elle est futée, elle déroutera notre gaillard de telle façon, qu’il ne saura plus que penser.