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— Si tu le prends ainsi, prononça-t-il, Clameran avait raison, tu n’es pas fort.

Il était aisé de voir que cet excellent Joseph Dubois grillait d’envie de motiver son avis, cependant il n’osa pas.

— Dans le fait, répondit-il, tout déconcerté, c’est bien possible. Toujours est-il que, cette affaire arrangée, monsieur le marquis s’est habillé pour sortir. Seulement, il n’a pas voulu de sa voiture et je lui ai vu prendre un remise dans la cour de l’hôtel. Là, franchement, j’ai bien cru que je ne le reverrais pas de longtemps et qu’il allait se donner de l’air. Erreur. Il m’est revenu sur les cinq heures, gai comme un pinson. Moi, pendant cette absence, j’avais couru au télégraphe…

— Comment, tu ne l’as pas suivi ?

— Excusez, patron, un de nos… amis le « filait ; » je m’en étais assuré. C’est même par cet ami que je sais ce qu’a fait notre gaillard. Il est allé d’abord chez un agent de change, puis au Comptoir d’escompte, puis à la Banque. On voit bien que c’est un capitaliste ! J’ai idée qu’il a pris ses dispositions pour un petit voyage.

— Et c’est tout ?

— De ce côté, oui, patron. D’un autre, il est bon que vous sachiez que nos coquins ont essayé de faire coffrer administrativement, vous m’entendez, Mlle  Palmyre. Par bonheur, vous aviez prévu le coup, et j’avais prévenu là-bas. Sans vous, elle était « emballée » raide.

Il s’arrêta, le nez en l’air, cherchant s’il n’avait pas autre chose encore à dire. Ne trouvant rien :

— Et voilà ! s’écria-t-il. J’ose espérer que M. Patrigent va se frotter les mains ferme à ma première visite. Il ne s’attend pas aux détails qui vont grossir son dossier 113.

Il y eut un long silence. Ainsi que l’avait conjecturé ce bon Joseph, l’instant décisif était venu, et M. Verduret dressait son plan de bataille en attendant le rapport de Nina, redevenue Palmyre, lequel devait décider son point d’attaque.