n’a pas osé me toucher. Il est vrai que, plein de prudence, je m’étais mis hors de portée et que nous causions avec la large table qui est au milieu du salon entre nous deux. Tout en me demandant comment il avait découvert le pot aux roses, je me défendais comme un beau diable. Je disais :
— « Ce n’est pas vrai, monsieur le marquis se trompe ; ce n’est pas possible ! »
Bast ! il ne m’écoutait pas ; il brandissait une lettre en me répétant :
— Cette lettre a été photographiée, et j’en ai la preuve.
Il ne se trompait pas, le cher homme. Et en même temps il me montrait sur le papier une petite tache jaunâtre : « Sens ! me criait-il, sens ! c’est du…, c’est de la… » Il m’a dit le nom, je l’ai oublié ; c’est, paraît-il, une drogue dont les photographes se servent…
— Je sais, je sais, interrompit M. Verduret. Après ?
— Après, patron, nous avons eu une scène, oh ! mais une scène !… Il a fini par m’empoigner au collet et il me secouait comme un prunier, pour me faire dire qui je suis, qui je connais, d’où je viens… est-ce que je sais ? Il m’a fallu lui donner l’emploi de mon temps, à une minute près, depuis que je suis chez lui. Ce brigand-là était né pour faire un juge d’instruction. Puis, il a fait venir le garçon de l’hôtel chargé de l’appartement, et il l’a questionné, mais en anglais, en sorte que, vous comprenez, je n’ai pas compris… À la fin, pourtant, il s’est radouci, et quand le garçon a été parti, il m’a donné une pièce de vingt francs en me disant : « — Tiens, je suis fâché de t’avoir brusqué, tu es trop bête pour le métier dont je te soupçonnais. »
— Il t’a dit cela ?
— En propres termes, parlant à ma personne, oui, patron.
— Et tu crois qu’il le pensait ?
— Positivement.
Le gros homme modula un petit sifflement qui indiquait nettement que telle n’était pas son opinion.