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n’ont dormi que d’un œil. Cependant ils commençaient, je crois, à se rassurer quand hier, ma foi ! la mèche a été décidément éventée.

— Et c’est pour cela que tu m’envoyais des dépêches ?

— Naturellement : Écoutez la chose. Hier matin, au saut du lit, c’est-à-dire sur les dix heures, voilà que mon honorable bourgeois s’avise de mettre de l’ordre dans ses paperasses qui sont renfermées dans un meuble du salon, un meuble à lui, lequel, entre parenthèse, a une serrure qui m’a donné bien du mal. Moi, pendant ce temps-là, je faisais semblant d’arranger le feu, et je le guignais. Patron, cet homme-là a l’œil américain ! Du premier coup, il a vu, il a deviné plutôt, qu’on avait touché les damnés papiers. Il est devenu blanc comme un linge, et il a poussé un juron, mais un juron !…

— Passons, passons.

— Soit ! Comment s’est-il aperçu de mes petites recherches ? C’est un mystère. Vous savez comme je suis soigneux. J’avais tout remis en ordre avec une légèreté de main, une attention !… Alors, voilà que pour se convaincre qu’il ne s’abuse pas, mon marquis se met à examiner toutes les lettres une à une, à les tourner, à les flairer… j’avais envie de lui offrir un microscope. Il n’en avait pas besoin, le gredin. Tout à coup, paf, il se dresse avec des yeux flamboyants, d’un coup de pied, il envoie sa chaise à l’autre bout du salon, et il se précipite sur moi en hurlant : « — On est venu ici, on a visité mes papiers, on a photographié la lettre que voici !… » Brrr ! je ne suis pas plus lâche qu’un autre, mais tout mon sang n’a fait qu’un tour ; je me voyais mort, haché, massacré. Même, je me suis dit : « Fanfer… pardon, Dubois, mon garçon, tu es flambé. » Et j’ai pensé à madame Alexandre…

M. Verduret était devenu sérieux. Il réfléchissait, laissant ce bon Joseph analyser et exposer ses sensations personnelles.

— Continue, dit-il enfin.

— J’en ai été quitte pour la peur, patron, le scélérat