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Prosper obéit, et sa seconde version ne varia pas.

— C’est que tout y est, poursuivait le gros homme, répétant après Prosper les phrases de la lettre. Rien de plus inquiétant que cette allusion au caissier. Ce doute : « Est-ce aussi lui qui a volé les diamants de Mme Fauvel ? » est tout simplement affreux. Quoi de plus irritant que cet ironique conseil : « À votre place, je ne ferais pas d’esclandre ; je surveillerais ma femme ? »

Sa voix s’éteignit ; c’est intérieurement qu’il poursuivait son monologue.

À la fin, il revint se planter droit, les bras croisés devant Prosper :

— L’effet de votre lettre, dit-il, a dû être terrible ; passons. Il est emporté, n’est-ce pas, votre patron.

— Il est la violence même.

— Alors, le mal n’est peut-être par irréparable.

— Quoi ! vous supposez…

— Je pense que tout homme d’un naturel violent se redoute et n’obéit jamais à un premier mouvement. Là est notre chance de salut. Si, au reçu de vos obus, M. Fauvel n’a pas su se contenir, s’il s’est précipité dans la chambre de sa femme en criant : « Où sont vos diamants ? » N, i, ni, adieu nos projets. Je connais Mme Fauvel, elle confessera tout.

— Serait-ce un si grand malheur ?

— Oui, mon jeune camarade, parce qu’au premier mot prononcé haut entre Mme Fauvel et son mari, nos oiseaux s’envoleront.

Prosper n’avait pas prévu cette éventualité.

— Ensuite continua M. Verduret, ce serait causer à quelqu’un une immense douleur.

— À quelqu’un que je connais ?

— Oui, mon camarade, et beaucoup. Enfin, je serais désolé de voir filer ces deux gredins sans être absolument édifié à leur endroit.

— Il me semble pourtant que vous savez à quoi vous en tenir ?

M. Verduret haussa les épaules.