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— Vous étiez absent, monsieur, l’annonce de ce mariage m’a bouleversé ; vous étiez loin, on peut être surpris par les événements…

— Il n’y a d’imprévu que pour les imbéciles ! déclara péremptoirement M. Verduret. Écrire une lettre anonyme ! Savez-vous à quoi vous m’exposez ? Vous êtes cause que je manquerai peut-être à une parole sacrée donnée à une des rares personnes que j’estime ici-bas. Je passerai pour un fourbe, pour un lâche, moi qui…

Il s’interrompit comme s’il eût craint d’en trop dire, et ce n’est qu’après un certain temps que, devenu relativement calme, il reprit :

— Revenir sur ce qui est fait est idiot. Tâchons de sortir de ce mauvais pas. Où et quand avez-vous mis votre lettre à la poste ?

— Hier soir, rue du Cardinal-Lemoine. Ah ! elle n’était pas au fond de la boîte que j’avais déjà des regrets.

— Il eût mieux valu les avoir avant. Quelle heure était-il ?

— Près de dix heures.

— C’est-à-dire que votre poulet est arrivé à M. Fauvel ce matin avec son courrier ; donc il était probablement seul dans son cabinet, quand il l’a décacheté et lu.

— Ce n’est pas probable, c’est sûr.

— Vous rappelez-vous les termes de votre lettre ? Ne vous troublez pas, ce que je vous demande est important ; cherchez…

— Oh ! je n’ai pas besoin de chercher. J’ai les expressions présentes à la mémoire comme si je venais d’écrire.

Il disait vrai, et c’est presque textuellement qu’il récita sa lettre à M. Fauvel.

C’est avec l’attention la plus concentrée que l’écoutait M. Verduret, et les plis de son front trahissaient le travail de sa pensée.

— Voilà, murmurait-il, une rude lettre anonyme, pour qui n’en fait pas son état. Elle laisse tout entendre, sans rien préciser, elle est vague, railleuse, perfide… Répétez encore une fois.